Sobriété : changer un peu ou changer tout ?

Les résultats des dernières élections américaines marquent la victoire éclatante de Donald Trump. En remportant le collège électoral et le vote populaire, le nouveau président américain a étendu sa base électorale aux jeunes hommes, aux Latinos, et aux Afro-Américains. La réélection de Trump marque un retour au protectionnisme et pourrait déclencher une guerre commerciale avec des répercussions importantes sur les économies européennes.

Une réélection spectaculaire

  • Une forte concentration des pouvoirs : outre l’exécutif, les Républicains sont majoritaires au Sénat, possiblement à la Chambre des représentants (encore en ballotage à ce stade) et à la Cour Suprême.
  • Donald Trump remporte à la fois le collège électoral et le vote populaire avec 4,7 millions de voix d’avance par rapport à Kamala Harris. 
  • Il élargit sa base électorale par rapport à 2020 en grignotant sur l’électorat latino (+6 pts), afro-américain (+7 pts)) et surtout celui des jeunes hommes (+15 pts).
  • De son côté, Kamala Harris rassemble 3 millions de voix de moins que Joe Biden en 2020.
  • Auditionnée par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Laurence Nardon, responsable du programme Amérique du Nord de l’IFRI, a livré une analyse de l’échec de Kamala Harris, liée à : 
        • La faiblesse de la candidate qui a du mener une campagne expresse depuis fin juillet et n’a pas su incarner son propre programme avec authenticité face à un candidat républicain en campagne depuis plus de deux ans. 
        • Le social avant le sociétal : l’inflation des produits alimentaire, de l’essence et des loyers ont terni le bilan économique de l’administration Biden.
        • Enfin, la radicalisation idéologique d’une fraction du parti démocrate, en dépit des prises de position universalistes de la candidate, a freiné sa capacité à rassembler.

Les prémices d’une vague populiste ?

  • Le succès de Donald Trump sonne comme un avertissement pour les démocraties occidentales. On observe en Europe une tendance à la remise en cause du modèle démocratique par une part croissante d’électeurs qui cèdent à l’attrait de leaders forts et populistes.
  • Le récent rapport du CESE sur l’état de la France souligne que 1 Français sur 4 n’a pas le sentiment de faire pleinement partie de la société : 23 % des personnes interrogées estiment que la démocratie n’est pas le meilleur système politique existant. De plus, 76 % estiment que les femmes et les hommes politiques sont déconnectés des réalités vécues par les citoyens et les citoyennes
  • Il existe une double fracture de plus en plus profonde, territoriale d’abord, entre les grandes agglomérations d’un côté et les zones rurales et villes petites et moyennes de l’autre ; fracture sociologique ensuite, entre les élites, intellectuelles, culturelles, et les diplômés d’un côté, et les classes populaires et sans diplôme de l’autre. 

Le risque d’une guerre commerciale

  • Donald Trump a rappelé son souhait d’appliquer des droits de douane sur tous les produits importés aux Etats-Unis, de l’ordre de 60% pour les produits chinois et de 10 à 20% pour les produits européens. Cette mesure est critiquée par les économistes en raison de son impact négatif sur la croissance économique des Etats-Unis et de ses effets sur le pouvoir d’chat des consommateurs. 
  • Dans le même temps, Donald Trump entend poursuivre une politique de baisse de la fiscalité pesant sur les entreprises. 
  • Cette ligne politique entraine 3 conséquences pour l’économie européenne : 
      • Un risque de ralentissement économique frappant les économies les plus exportatrices (les Etats-Unis sont le premier client des exportations allemandes) et les secteurs les plus exportateurs dont le luxe, la cosmétique, les vins et spiritueux et l’aéronautique. Alors que le commerce extérieur est devenu le moteur de la croissance française, le spectre d’une guerre commerciale pourrait fragiliser l’économie française. Ainsi, le commerce extérieur représente 0,9 points d’une croissance française estimée à à 1,1% en 2024.  (source : INSEE). Selon les économistes de Goldman Sachs, une guerre commerciale pourrait coûter 1 point de PIB à la zone euro. 
      • Un dumping chinois exacerbé. De manière indirecte, l’application de droits de douane élevés aux importations chinoises  pourrait pousser la Chine à écouler ses surcapacités de production vers le marché européen, aggravant le déficit de compétitivité de l’Europe.  
      • Enfin, le risque d’une délocalisation des investissements et des emplois industriels vers les Etats-unis est réel car il permettrait aux industriels européens de contourner les droits de douane toute en bénéficiant d’une fiscalité industrielle clémente et d’une énergie peu chère. 

Un recul écologique

  • L’administration Trump n’aura probablement pas d’impact sur l’élaboration des règles européennes en matière d’écologie. Toutefois, l’opposition du président réélu à l’égard de la politique environnementale devrait creuser le fossé entre les Etats-Unis et l’Europe.  
  • Cela pourrait indirectement renforcer la relégation du Green Deal au second plan des priorités politiques de la Commission. 
  • Par ailleurs, le traité international sur les plastiques actuellement en cours de négociation pourrait être freiné. En effet, Le Parti républicain s’oppose fermement à la proposition soutenue par l’administration Biden de limiter la production de plastique dans le cadre des négociations. Cela pourrait réduire à néant les espoirs de l’UE de bénéficier du soutien des Etats-Unis lors du dernier cycle de négociations qui se tiendra dans le courant du mois de novembre.

Vers un réveil de l’Union européenne ?

  • Les menaces économiques et diplomatiques liées à la réélection de Donald Trump peuvent pousser l’Europe au sursaut et justifient la priorité donnée par la nouvelle Commission européenne à la compétitivité, à l’approfondissement du marché unique  et à l’autonomie stratégique de l’Europe. 
  • L’Europe doit se saisir de ce moment, c’est un enjeu de survie”, met en garde Roland Lescure, l’ancien ministre de l’Industrie redevenu député EPR des Français de l’étranger. 
  • Toutefois, le réveil de l’Europe pourrait être freiné par les alliés objectifs de Trump sur la scène européenne tes que Georgia Meloni ou Viktor Orban. Il se heurte aussi à la crise du leadership européen alors que Emmanuel Macron est affaibli par la dissolution et que le chancelier allemand se retrouve sans majorité.